On connaît tous quelqu’un qui, au détour d’une conversation, a lâché : « Je me suis inscrit à un 10 km dans trois semaines », alors qu’il n’avait jamais laissé entendre le moindre attrait pour la course à pied. Enfin… pour le running.
Depuis la crise sanitaire, la course à pied s’est imposée comme une pratique de référence pour les Français en quête d’activité physique accessible. En 2024, ils sont 12,5 millions à courir, soit environ un Français sur quatre, d’après les chiffres de l’Observatoire du Running. Parmi eux, huit millions enfilent leurs baskets au moins une fois par semaine, et la discipline séduit autant les femmes que les hommes, avec 48 % de pratiquantes. En ville comme à la campagne, le jogging est devenu un réflexe, une routine, voire un marqueur de style de vie.
Toujours plus haut, toujours plus mousse
Cette tendance a eu un impact sur la silhouette de nos chaussures… Si l’on observe des semelles toujours plus épaisses, c’est pour rendre les chaussures toujours plus confortables. À l’image de Hoka, toutes les autres marques de running se sont aujourd’hui mises à produire ce genre de modèle. L’essor du running tient à son accessibilité, et les chaussures d’aujourd’hui n’y sont pas pour rien. « On ne rendra jamais le running facile, mais on le rend clairement moins dur », résume Gatien Airiau, chef de produit chez Salomon. Les modèles dernier cri misent sur le confort, la légèreté, le dynamisme, avec des mousses « supercritiques » et des semelles pensées pour accompagner la foulée, comme leur petite dernière, l’Aero Glide 3. « C’est la plus polyvalente des chaussures », explique Gatien Airiau.
Florian Chevalley, du club de running Blue Track, va dans le même sens. « Aujourd’hui, on a des chaussures d’une extrême légèreté, avec des mousses dingues. C’est un plaisir de courir avec ça. » Et le look n’est pas en reste. « Tout l’univers du running est devenu plus stylé. On court mieux, et on court aussi plus stylé. »
« « Les nouvelles chaussures permettent d’allonger les sorties sans se ruiner le corps. Mon oncle, qui faisait du marathon, n’arrivait pas à enchaîner beaucoup de kilomètres sur la semaine. Moi, je peux enchaîner 120 km sans douleur. » »
Un 10 km accessible… mais pas donné à tout le monde
L’innovation facilite, mais ne dispense en rien de l’effort. « Je ne dirais pas que c’est devenu plus facile, nuance Florian Chevalley. C’est plus accessible, oui, mais il faut toujours un vrai entraînement pour aller au bout d’un 10 km. Tout le monde ne peut pas le faire sans préparation. »
Ce que pointe aussi Lourdès Fernando : « Les chaussures réduisent les blessures, donc il y a plus de coureurs. Mais ça ne veut pas dire que la distance est facile. » D’autant qu’une forme d’imprudence s’est installée, selon Florian Chevalley : « Beaucoup s’inscrivent à des courses juste pour le faire, sans se préparer sérieusement… Il ne faut pas confondre accessibilité et facilité. »
La technologie a pris le lead
Dans ce contexte, les marques jouent un rôle central. « Le marché est féroce, explique Gatien. Si tu n’innoves pas, tu disparais. Les cycles de développement sont de 22 mois : on travaille sur la version 5 quand la 3 vient à peine de sortir. » Une course à la performance qui n’est pas sans rappeler celle des smartphones. « Chaque année, il faut un nouveau modèle plus performant, plus léger, qui consomme moins d’énergie », commente Florian.
Mais toutes les marques ne poussent pas à la surenchère, nuance-t-il. « Adidas, par exemple, a mis deux ou trois ans entre la Adios Pro 3 et la 4, c’est assez long pour une basket. » Lourdès ajoute que cette logique ne s’applique pas à tous les modèles : « Les chaussures très spécifiques et performantes ne changent pas tous les ans. Ce n’est pas la même logique que pour celles destinées au grand public. »
Oui, les chaussures d’aujourd’hui amortissent mieux, rebondissent plus, donnent envie de courir, et repousse la blessure. Mais il faut encore un souffle court, deux mollets têtus… et un brin de fierté mal placée pour aller au bout.