
Son dernier voyage, le 15 décembre en Corse, résume à lui seul sa relation avec la France. François avait choisi l’île de Beauté mais avait refusé d’aller, une semaine jour pour jour auparavant, à la réouverture de la cathédrale Notre-Dame de Paris où se pressaient les dirigeants de nombreux pays.
De quoi surprendre… et frustrer. Sur les réseaux sociaux et les plateaux de télévision, des voix – notamment dans les milieux conservateurs – avaient alors dénoncé « l’affront » infligé par le pape avec ce calendrier rapproché, allant jusqu’à le comparer à « une gifle ».
Les réactions avaient alors poussé Vatican News, le site d’information officiel du Vatican, à publier une interview du nonce apostolique – l’ambassadeur du Saint-Siège – affirmant que « la France fascine le pape François ».
L’appel du pape, pendant sa visite en Corse, à une laïcité qui ne soit pas « statique et figée », avait lui aussi suscité la perplexité en étant vécue par certains comme une attaque d’un principe fondateur de la vie politique française.
En préférant se rendre à Ajaccio pour un colloque sur la religiosité populaire en Méditerranée plutôt qu’assister à une cérémonie en mondovision au milieu de chefs d’Etats et de têtes couronnées, Jorge Bergoglio avait voulu mettre en avant une région et des thématiques représentatives des priorités de son pontificat. Du drame des migrants aux guerres en passant par le dialogue avec l’islam, le bassin méditerranéen concentre des sujets qu’il mettait régulièrement en lumière depuis son élection en 2013.
A Strasbourg… sans passer par la cathédrale
« Demander si le pape nous aime ou non » est une approche « très adolescente » alors qu’il prend « la France et l’Église en France très au sérieux », déclarait alors le président de la conférence des évêques de France, Mgr Eric de Moulins-Beaufort. « C’est précisément pour ça qu’il ne veut pas venir en France, parce qu’il considère qu’il y a des endroits qui en ont plus besoin », ajoutait-il, en se disant « frappé » par le nombre d’auteurs français cités dans ses lettres et encycliques.
Durant son pontificat, le pape ne s’est jamais rendu dans d’autres grands voisins européens, comme l’Allemagne, l’Espagne ou le Royaume Uni. Un paradoxe demeure : malgré trois déplacements en France, pays le plus visité de son pontificat, le chef de l’Eglise catholique n’y a jamais effectué de visite d’Etat officielle
En 2014, il s’était rendu à Strasbourg pour visiter les institutions européennes. Sans même s’arrêter à la cathédrale, au grand dam des fidèles. En septembre 2023, il avait insisté sur le fait qu’il se rendait « à Marseille, pas en France ». L’écho médiatique et politique de cette visite et la messe au stade Vélodrome devant 60.000 fidèles dans une ambiance survoltée avait pourtant mis l’accent sur le lien profond entre les catholiques français et le pape argentin, qui avait lancé : « Bonjour Marseille, bonjour la France ! »
Rupture avec Jean-Paul II et Benoît XVI
Le rapport du premier pape latino-américain avec la France marquait en revanche une rupture nette avec ses prédécesseurs. Ainsi, Jean-Paul II a visité huit fois le pays avec des séquences restées dans les mémoires, comme une messe à Paris en 1997 devant plus d’un million de personnes.
Francophile et francophone, son successeur Benoît XVI, attaché à l’héritage des grandes figures intellectuelles et théologiennes, avait marqué les esprits en 2008 en se rendant dans plusieurs lieux symboliques de la capitale (Invalides, Bernardins, Notre-Dame). Si François est « attaché à certaines figures de la sainteté française, comme Thérèse de Lisieux ou Charles de Foucauld », « il n’aime pas trop cette image de grandeur, d’arrogance, un peu hautaine », confiait en décembre 2024 une source vaticane.
Le lien contrasté entre le pape argentin et la France a aussi souffert de la marginalisation de l’Eglise, affaiblie par la sécularisation et la crise des violences sexuelles.