
À Loos-en-Gohelle, la transition écologique est en marche depuis 30 ans. Cette ancienne ville minière ne cesse de se réinventer : production d’énergie renouvelable, agriculture bio ou encore mobilités douces. Dans tous les secteurs, le citoyen est au cœur du projet, l’initiateur et le bénéficiaire d’un mode de vie plus durable. Véritable laboratoire de la diversité, la métamorphose de Loos-en-Gohelle est plus que jamais source d’inspiration.
Deux imposants terrils la surplombent, symboles d’un passé dans lequel l’or noir a fait sa renommée. Loos-en-Gohelle et ses 6 850 habitants ont longtemps bénéficié de l’essor de la production de charbon pour faire prospérer la ville. Mais face à la crise industrielle et environnementale, la commune située au nord de Lens fait le pari de la transformation durable en mettant à profit la population locale.
Les terrils jumeaux à Loos-en-Gohelle
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Avec cette métamorphose à 360°, la petite ville de l’ex-bassin minier espère raconter un nouveau chapitre de son histoire et tourner la page vers l’or vert. Alimentation durable, production solaire, mobilité douce… aucun aspect de la vie quotidienne n’est laissé au hasard.
« On n’est pas un musée, au contraire ! On n’est pas dans l’idée d’être mieux que les autres, nous sommes humblement des contributeurs qui essaient à notre échelle de trouver des réponses aux enjeux climatiques », explique M. le maire. Partez à la découverte des transformations de Loos-en-Gohelle, laboratoire de la transition écologique à ciel ouvert.
Des factures divisées par trois
Premier axe de la transformation de la commune : l’énergie. Geoffrey Mathon a grandi dans la cité n°5, l’une des plus pauvres de la ville. Maire de Loos-en-Gohelle depuis 2023, il continue une croisade engagée depuis 20 ans par la ville pour inciter les bailleurs sociaux à construire des logements toujours plus « basse-consommation ».
L’un des lotissements flambant neufs de Loos-en-Gohelle.
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En visite dans un lotissement flambant neuf de sa commune, les résidents lui font part d’un constat peu commun au regard de l’évolution des coûts de l’énergie depuis le début du conflit en Ukraine. « Au niveau du chauffage, ça se passe super bien, on n’a pas une note salée« . Un retour d’expérience précieux pour l’édile : « À chaque fois, on expérimente, on a un retour d’expérience, et on essaie d’en tirer les bénéfices. » La ville compte 40% de logements sociaux. À ce stade, seuls 15% sont sobres en énergie.
Depuis que je suis ici je revis, j’ai fait des économies monstrueuses.
Jean-Michel PinchonLocataire à Loos-en-Gohelle
Jean-Michel Pinchon a quitté une passoire thermique à Lens pour s’installer dans l’un de ces logements rénovés. Avant, il payait plus de 70 euros par mois d’énergie, aujourd’hui il « n’allume quasiment jamais le chauffage » l’hiver, jouissant « d’une température de 20°C constante« . Ses factures ont été divisées par trois. « Les logements ont été bien conçus, pour que la chaleur reste. Depuis que je suis ici, je revis, j’ai fait des économies monstrueuses« , se réjouit-il.
Produire sa propre énergie
En parallèle de la sobriété, Loos-en-Gohelle fait le pari des énergies renouvelables. Il suffit de prendre un peu de hauteur pour admirer la nouvelle toiture de l’église Saint-Vaast. En 2013, elle a été recouverte de cellules photovoltaïques. Des travaux moins onéreux que la pose d’ardoise. L’électricité produite est ensuite revendue à EDF et permet à la municipalité d’en tirer un petit revenu.
L’Église Saint-Vaast de Loos-en-Gohelle, et son toit jonché de cellules photovoltaïques.
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Depuis, l’idée a germé, et huit bâtiments municipaux ont été transformés en centrale solaire, des sites exemplaires qui font désormais partie d’un circuit original : le DDTour. Il s’agit d’une visite guidée et pédagogique à destination des professionnels sur les questions du développement durable. On apprend, par exemple, que les Loossois se sont engagés dans cette transition énergétique jusqu’à y investir leur épargne. « Les panneaux sont superposés à la toiture. C’est parce que le bâtiment appartient à la ville et les panneaux à la société Mine de Soleil. La mairie n’avait pas l’argent pour payer la technologie, donc il y a eu un appel aux habitants pour qu’ils deviennent actionnaires de Mine de Soleil.«
Impliquer les habitants pour changer d’échelle, c’est l’idée lumineuse de la société Mine de Soleil. 130 citoyens se sont laissé embarquer dans l’aventure des panneaux solaires. L’électricité produite représente l’équivalent de 175 foyers loossois, elle est revendue à EDF. Pour pérenniser cette implication citoyenne, chaque nouveau-né de Loos-en-Gohelle reçoit une action Mine de Soleil, un investissement pour l’avenir sachant que la ville s’est engagée à devenir un territoire à énergie positive en 2050. C’est-à-dire : produire plus d’énergie qu’elle n’en consomme.
Des mobilités alternatives
Deuxième axe de la transformation de Loos-en-Gohelle : les mobilités. Pour ce faire, la ville participe à l’extrême-défi de l’ADEME. Le principe est simple : « créer de nouvelles solutions de déplacement pour remplacer la voiture dans les déplacements du quotidien des territoires périurbains et ruraux, et la logistique en ville.«
Dans la petite commune du Pas-de-Calais, cette nouvelle solution de déplacement se matérialise par un engin voituroïde mêlant vélo et voiture électrique : le Karbikes. Cesar Lazaro-Mendez, séduit par la voiturette, a accepté de la tester et rapportera ses observations au bout d’un mois d’utilisation. Il peut désormais circuler sans aucun bruit dans les rues loossoises. Vitesse de croisière, 25 km/h.
« Dès que je suis arrivé à Loos-en-Gohelle, j’ai investi. Je fais des petits déplacements très courts, ça éveille la curiosité de tout le monde. Beaucoup de personnes viennent me poser des questions. Côté économique, on réduit l’essence et physiquement, on travaille« .
César Lazaro-Mendez travaille à quatre kilomètres de chez lui. Avec le Karbikes, il double son temps de trajet par rapport à la voiture, mais il est convaincu par cette alternative décarbonée pour les déplacements du quotidien.
L’agriculture bio, ensemble
Énergie, mobilité… mais aussi agriculture, à Loos-en-Gohelle, les acteurs du changement, ce sont les habitants. La ville de l’ex-bassin minier compte dix exploitants, dont quatre ont décidé de rejoindre Bioloos : une structure qui leur permet de tester le bio sur des terres mises à disposition par la ville. Pour chaque hectare mise à la disposition des agriculteurs, ils s’engagent à convertir la même surface sur leurs propres terres.
David et Émilien, deux agriculteurs de Loos-en-Gohelle.
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« Ce projet bioloss permet de mutualiser les risques et les réussites. Apprendre ensemble, c’est toujours plus simple que seul. Certains sont plus sur les techniques, d’autres sur les arrachages. Ça permet aussi de l’embauche« , détaille Émilien Bailliet, qui a converti le tiers de son exploitation familiale.
On est content d’être appuyés par la collectivité là-dedans.
David SaintiveAgriculteur
David Saintive, lui, est passé au 100% bio, malgré les difficultés du secteur. « C’est vrai qu’il y a 15 ans, j’aurais certainement eu le discours « on doit avoir une agriculture compétitive ». Mais en fait cet essai nous a permis de voir qu’on arrivait à faire les choses autrement. Tout n’est pas simple, tout n’est pas parfait. Il y a une fierté d’avancer dans cette direction et on est content d’être appuyés par la collectivité là-dedans.«
Des solutions alimentaires nouvelles
Du champ au jardin, il n’y a qu’un pas. Pour embarquer tous les cultivateurs dans la métamorphose durable, Loos-en-Gohelle peut compter sur le projet fifty/fifty, un dispositif mis en place par la ville sur le principe « gagnant-gagnant ». L’idée est de soutenir et développer les initiatives des habitants pour réaliser des projets d’intérêt général.
Le projet fifty-fifty, repose sur une logique « gagnant-gagnant »
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Ce n’est donc pas un hasard si les Anges Gardins, nés dans le Calaisis, sont venus jusque dans l’Artois. L’association cultive des jardins d’insertion pour (re)mettre des personnes sur les rails de l’emploi. À Loos-en-Gohelle, ils plantent des légumes au milieu des vergers pour garder l’humidité et favoriser les pollinisateurs. Une démarche qui permet de produire une alimentation « locale« , « accessible » et de « qualité pour les consommateurs » détaille Anselme de l’association.
En mettant en culture des friches, les Anges Gardins sont en train de développer un archipel nourricier dans toute l’agglomération lensoise. « Demain, très certainement, il sera extrêmement difficile de faire venir des produits de contrées lointaines« , poursuit Dominique Hays. L’objectif, donc : trouver des solutions alimentaires nouvelles.
Les Anges Gardins en action dans un jardin de Loos-en-Gohelle.
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Une fois par semaine, sur la place de la mairie, les Anges Gardins vendent leurs légumes, mais aussi les carottes hors calibres de David de Bioloos. Loos-en-Gohelle, laboratoire de la transition, crée des liens entre les hommes et diffuse ses idées au-delà des frontières de la commune. À quelques kilomètres à Méricourt, le centre social et la cantine sont alimentés pour moitié en énergie renouvelable. Bientôt, un terrain de tennis de Liévin et une salle de sport lensoise seront recouverts de panneaux photovoltaïques Mine de Soleil. Du noir du charbon au vert de l’espoir… Loos-en-Gohelle montre le chemin.
Avec Myriam Schelcher et Antoine Morvan pour France Télévisions · Un reportage à retrouver en intégralité dans Enquête de Régions diffusé le 23/04/2025 sur France 3 Hauts-de-France et sur france.tv.