
Deep-sea mining : extraction minière en fonds marins
Avec le développement effréné d’infrastructures énergétiques, la demande pour les minerais et métaux rares devient de plus en plus forte. Les fonds marins sont convoités pour les métaux rares qu’ils recèlent, notamment les nodules polymétalliques qui tapissent le sol de l’Océan.
L’exploitation minière en eaux profondes, ou deep-sea mining, consiste à aller chercher dans les sous-sols de l’Océan ces minerais, notamment du nickel, du cobalt, du cuivre et du manganèse, qui entrent dans la composition de différents appareils électroniques et de nouvelles technologies.
Face aux impacts inconnus et désastreux que l’exploitation minière risque de faire subir à ces écosystèmes marins, de nombreux scientifiques réclament un moratoire d’au moins 10 ans.
Depuis plus d’une décennie, les industriels font pression pour commencer les forages, lors des négociations menées par l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM). Sur la demande de The Metals Company (TMC), une entreprise canadienne, Donald Trump a ignoré les négociations de 2025 et signé un décret destiné à ouvrir l’extraction à grande échelle de minerais dans les grands fonds marins, y compris en eaux internationales.
Un véritable affront à l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM), qui a juridiction sur les fonds marins des eaux internationales, en vertu d’accords que les États-Unis n’ont, cependant, jamais ratifiés.
« Ce décret n’est pas tant une surprise, car cela avait été annoncé par The Metals Company il y a 2 mois. Miner en violation du droit international est le dernier coup de poker pour cette entreprise au bord de la faillite, qui a enregistré une perte nette de 81 millions de dollars en 2024 » décrypte l’activiste Anne-Sophie Roux, co-autrice de notre livre-journal Océans, pour La Relève et La Peste.
L’initiative doit permettre de collecter un milliard de tonnes de matériaux en dix ans, a indiqué un haut responsable américain à l’AFP.
Les machines pour forer les fonds marins – Crédit : The Metals Company
« Au-delà des risques environnementaux, le risque c’est que Trump ouvre la voie à l’extraction minière des fonds marins à la manière d’un Far West : premier arrivé, premier servi. Cela crée la possibilité que tous les accords internationaux ne servent plus à rien » explique Anne-Sophie Roux pour La Relève et La Peste
Pour l’heure, la réaction a été unanime pour les 36 pays membres de l’AIFM : une levée de boucliers visant à préserver le multilatéralisme. La Chine, qui détient pour l’instant le monopole des métaux rares et entend bien le garder, a été la première à dénoncer une violation du droit international.
« Surtout, TMC irait miner dans l’Océan Pacifique, dans la zone Clipperton qui est aussi large que l’Europe, et sur des zones qui étaient réservées par l’AIFM pour les petites îles du Pacifique en voie de développement. C’est donc aussi une violation des droits des peuples du pacifique et une forme de néo-colonialisme, dénonce Anne-Sophie Roux auprès de La Relève et La Peste. Cela fait 5 ans que TMC pousse l’île de Nauru pour accélérer les négociations et là, ils les lâchent au dernier moment. »
En juillet 2024, le gouverneur démocrate d’Hawaï, Josh Green, avait ratifié un texte interdisant l’extraction minière dans les eaux territoriales de cet État situé au beau milieu du Pacifique.
Anne-Sophie Roux, Août 2023, en Norvège – Crédit : Sooo.magazine – Siv Sivertsen
« Les fonds marins sont une nouvelle frontière de l’humanité, le dernier écosystème encore à peu près vierge des impacts humains. Les exploiter aurait aussi un impact culturel pour les îles du pacifique car, pour elles, les grands fonds marins sont vraiment le pilier de la création du monde » précise Anne-Sophie Roux pour La Relève et La Peste.
Comme nous l’expliquons dans Océans, nous savons mieux cartographier la Lune que les abysses qui commencent à peine à nous livrer leurs mystères. En juillet 2024, une équipe de scientifiques a découvert que les nodules polymétalliques convoités par les industriels produisent de l’oxygène à plus de 4000m de profondeur, dans le noir. Une découverte majeure qui rebat les origines de la vie sur Terre.
La communauté internationale a maintenant deux mois, délai donné par le décret de Trump, pour s’organiser et riposter avant que les premières demandes de licence d’exploitation puissent être faites.
Depuis quelques années, le mouvement pour la défense des fonds marins gagne en puissance avec une coalition de 32 pays, dont la France, en faveur du moratoire. De grandes entreprises les ont rejoints, notamment Google, BMW, Samsung et plus récemment Apple.
« En tant que 1ère puissance maritime à l’AIFM, la France a un rôle crucial à jouer pour empêcher les fonds marins de se transformer en Far West, précise Anne-Sophie Roux. Tous les projecteurs seront braqués sur elle lors de la conférence des Nations unies sur l’Océan, à Nice du 9 au 13 juin 2025. »
Forte de victoires arrachées parfois au dernier moment, comme en Norvège, la Coalition internationale pour la sauvegarde des grands fonds marins entend bien empêcher l’irréparable face à la stratégie du chaos de Donald Trump.
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