
De notre envoyé spécial à Manchester,
Qui a osé parler de Théâtres des rêves ? Pendant longtemps, et peut-être plus jamais de leur vie, les supporteurs lyonnais ne voudront se souvenir du cauchemar vécu jeudi à Old Trafford, en quart de finale retour de Ligue Europa face à Manchester United. Un traumatisme, une hantise, une hallucination qui viendra les réveiller en sueur en pleine nuit de temps à autre pour leur rappeler ce moment d’histoire tragique.
En six minutes, le rêve des Gones s’est effondré. Six minutes irrationnelles, inexplicables, folles qui ont vu Paulo Fonseca et ses hommes rêver d’un petit voyage sur la côte basque dans quinze jours pour affronter l’Athletic Bilbao à celui d’un aller direct vers l’enfer. Trois mille six cents secondes en fin de prolongation durant lesquelles l’OL est passé de deux buts d’avance à un but de retard sans que l’on ne comprenne vraiment comment.
Old Trafford se vide, l’OL célèbre
A vrai dire, on n’avait pas très bien compris non plus comment les Lyonnais avaient réussi à revenir dans le match à 2-2 (même score qu’à l’aller au Groupama Stadium), après une première période à la limite de la faute professionnelle où les pertes de balle idiotes s’enchaînaient. Pas compris également comment Corentin Tolisso s’est fait expulser pour un deuxième carton jaune à la fin du temps réglementaire, alors que Lenny Yoro trébuchait lui-même sur la jambe du champion du monde 2018.
Mais ce n’était donc rien à côté de cette prolongation dingue et incohérente où des Lyonnais à un de moins, donc, inscrivent deux buts (Cherki et Lacazette) et fracassent la porte qui ouvre le chemin vers les demi-finales. On jouait alors la 110e minute de jeu et Old Trafford commençait à tout doucement se vider pendant que l’ivresse absolue gagnait les joueurs de l’OL et les 2.500 Gones présents en parcage. Erreur. Grosse erreur.
« On a mené 4-2 avec un joueur en moins sur le terrain, mais on a célébré beaucoup sur notre quatrième but, alors qu’on doit célébrer au coup de sifflet final, a tenté d’expliquer Paulo Fonseca après la rencontre. Peut-être qu’on a pensé à ce moment qu’on avait gagné, on a manqué un peu d’équilibre émotionnel à ce moment. » Arrivé en zone mixte la tête bien basse et en ayant autant envie de répondre aux journalistes que d’apprendre le népalais, Moussa Niakhaté réfutait cette théorie.
« On n’a pas fait exprès »
« On connaît le foot, on savait que ce n’était pas gagné, a soufflé le défenseur central C’est un grand club avec une grande histoire, un stade chaud. On savait que ce n’était pas gagné, mais on n’a pas fait exprès. » Heureusement. Mais les petites scènes de joie des Lyonnais après le but de Lacazette ont aussi marqué Harry Maguire, auteur de l’improbable cinquième but au bout du bout de la prolongation après avoir passé l’essentiel de son temps à souffrir à cause de la vitesse des attaquants rhodaniens.
« C’est le match le plus fou que j’ai joué dans toute ma carrière, s’est réjoui en zone mixte le défenseur central à la caravane bien accrochée. Lorsqu’ils marquent le quatrième but, je me dis qu’il reste encore du temps, puisqu’on est à la 109e minute. Et vu comment ils célébraient, ils pensaient avoir gagné. Et cela nous a donné un surplus de motivation pour renverser la rencontre. »
De la motivation pour aller tout d’abord chercher un penalty sympathique grâce à « l’esprit Real Madrid » qui entoure toujours Casemiro à la 116e minute (3-4) et grâce à une succession d’erreurs des visiteurs du soir pendant quatre-vingt-dix secondes qui entraîneront les deux derniers buts anglais : un bloc qui recule très très bas, Bruno Fernandes laissé libre de faire tout ce qu’il veut, Tiago Almada qui ne sort pas, Aisley Maitland-Niles qui ne marque pas Kobbie Mainoo (4-4) ; Casemiro pas attaqué, Moussa Niakhaté qui fait un air duel avec Maguire tout en réclamant une faute sur le but du 5-4.
Maguire avant-centre, on ne l’avait pas vu venir
Pourtant bien en place durant la prolongation malgré l’infériorité numérique, l’OL a peut-être aussi perdu ses repères avec le changement effectué par Paulo Fonseca, qui a choisi de renforcer l’axe central en mettant Duje Caleta-Car à la place de Nicolas Tagliafico. « Je ne regrette pas mes changements à la fin, car Manchester United se mettait à jouer des longs ballons, donc je devais répondre à ça », a répondu le Portugais.
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Répondre à la menace Maguire, c’est quand même tomber bien bas, diriez-vous ? Pas si sûr, car Ruben Amorim avait prévu son coup. Privé d’attaquants sur le banc des remplaçants à cause des blessures, le technicien des Red Devils avait décidé de jouer le tout pour le tout en mettant Maguire sur le front de l’attaque. Osé, mais réussi.
« S’il me demande de jouer là-bas, j’y vais, je me vois comme une menace et je peux marquer », a détaillé l’ancien défenseur de Leicester. C’est d’ailleurs peut-être en voyant ça que les supporteurs de United, habitué à voir des Best, des Cantona, des Yorke, des Van Nistelrooy, ont tourné de l’œil et décidé de quitter le stade. Ça leur apprendra à avoir des goûts de luxe.