Mars 2020, la France est confinée avec une grande partie du reste du monde pour lutter contre la propagation de la pandémie de Covid-19. En coulisses, une autre course se joue, celle du groupe pharmaceutique qui parviendra en premier à trouver un vaccin pour enrayer la progression du virus. Et la France place tous ses espoirs sur Sanofi, plus grand laboratoire tricolore spécialisé dans le domaine.
Malheureusement, le vaccin à ARN messager du fleuron français ne verra pas le jour, le groupe pharmaceutique annonçant renoncer définitivement à sa commercialisation il y a tout juste un an. Une gifle pour la France, seul grand pays à ne pas disposer de son vaccin ARN contre le Covid, laissant ce marché gigantesque à Pfizer avec BioNTech ou à Moderna.
Depuis ce revers, le groupe français fait le choix de laisser tomber la recherche sur les secteurs très concurrentiels du diabète et des maladies cardiovasculaires pour se concentrer sur l’asthme, la sclérose en plaques ou encore la bronchite chronique.
Le point d’orgue du virage stratégique de Sanofi arrive fin 2023, lorsque l’entreprise annonce qu’elle se sépare de son activité Santé grand public. Cette décision provoque d’ailleurs un tollé en octobre 2024, lorsque le groupe annonce avoir choisi le fonds américain CD&R comme repreneur de cette filiale, dont le Doliprane, traitement vedette pendant la crise sanitaire, est l’un des médicaments phares.
Paradoxe ? En réalité, Sanofi n’a fait que suivre les directions d’autres grands laboratoires mondiaux comme Roche, Merck et Pfizer. Pour le groupe, l’objectif est désormais de recentrer les moyens de sa recherche sur des « blockbusters », pour capitaliser sur des médicaments indispensables vendus très cher et de devenir le champion de l’immunologie.
Pour cela, il faut investir sur ce qui a manqué pendant la pandémie : l’innovation, quitte à froisser les investisseurs. En 2023, le directeur général de Sanofi, Paul Hudson, arrivé en 2019, prend ainsi la décision d’augmenter fortement les dépenses R&D en sacrifiant l’objectif d’une marge opérationnelle des activités de 32 %. Le titre de Sanofi plonge alors de plus de 15 % en Bourse.
Depuis, plusieurs investissements se sont succédé pour permettre au groupe de regagner son statut de leader. Au sommet Choose France en 2024, le groupe annonce 1 milliard d’euros pour doubler la capacité de production d’anticorps monoclonaux à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne). Depuis la pandémie, Sanofi a engagé 2,5 milliards d’euros en France, dont « la plus grande unité de production d’Europe de vaccins contre la grippe », se félicite le groupe. Dernière présentation en date, une usine modulable près de Lyon, capable de produire simultanément quatre vaccins ou biomédicaments.
Des traitements prometteurs
Des annonces qui n’ont pas été sans contreparties. L’entreprise a réalisé deux plans sociaux en 2021 et 2024. Ce dernier prévoyait la suppression de 325 emplois en France, avant d’être finalement annulé par la justice en début de mois. Pour l’heure, les chiffres semblent donner raison à la stratégie de Paul Hudson.
Lors de l’annonce des résultats du groupe en janvier dernier, le chiffre d’affaires s’élevait à 41,1 milliards d’euros, en hausse de 11,3 % par rapport à 2023. Et ce, grâce aux ventes d’un médicament à prescription multiple, le Dupixent. Ce dernier, star du laboratoire, a dépassé les 13 milliards d’euros de ventes, dont 3,5 milliards d’euros rien qu’aux États-Unis et compte pour près d’un quart du chiffre d’affaires du laboratoire.
Mais il en faudra plus pour s’installer de nouveau comme leader en innovation, alors que le Dupixent perdra son brevet au début des années 2030. Le groupe peut s’appuyer désormais sur le lancement du Beyfortus, un vaccin préventif contre la bronchiolite pour les nourrissons et déjà un statut de blockbuster dans sa première année de commercialisation. D’autres traitements sont prometteurs, comme le Sarclisa, un médicament à destination des patients atteints d’un cancer de la moelle osseuse. En tout, le groupe mise sur douze traitements en études cliniques susceptibles de générer plus de « 10 milliards d’euros de ventes annuelles d’ici à 2030 », a-t-il promis.
La vaccination, un sujet toujours épineux en France
Alors que les laboratoires pharmaceutiques investissent massivement la recherche de nouveaux vaccins, le mouvement antivax n’a quant à lui pas faibli depuis la pandémie. En France, l’épidémie de grippe a été particulièrement violente cette année.
En cause : une plus faible couverture vaccinale, estimée à 54 % chez les 65 ans et plus lors de la période 2023-2024, soit une baisse de 2,2 points par rapport à la saison précédente. Globalement, l’adhésion à la vaccination ne faiblit pas, mais les objectifs sont loin d’être atteints.
Ainsi, le pays voit actuellement une recrudescence des cas de rougeole où environ 90 % des nourrissons sont vaccinés, contre une recommandation de plus de 95 % pour que la population soit immunisée. Quant au papillomavirus humain, si la couverture vaccinale augmente, avec environ 45 % des adolescents ayant reçu une première dose, on est loin de l’objectif annoncé de 60 % en 2023 et des chiffres de nos voisins européens. Dernièrement, le Danemark a même annoncé pouvoir éradiquer le cancer du col de l’utérus de son territoire d’ici 15 ans, une première mondiale et un exemple à suivre.