
Afin d’éviter les abus dans le développement de l’agrivoltaïsme, le parc naturel régional de Millevaches vient d’adopter une délibération qui définit des critères plus exigeants que la loi. Cette décision ne fait pas l’unanimité, mais l’avis du PNR n’est que consultatif. La loi relative à l’accélération des énergies renouvelables fait, avant tout, des chambres d’agricultures les instances puissantes dans ces dossiers.
Constitué pour plus d’un tiers de sa surface de terres agricoles, des prairies essentiellement, le Parc naturel régional du plateau de Millevaches semble être un territoire propice au développement de projets agrivoltaïques*. Officiellement, 22 sont à l’étude à ce jour, mais le PNR ne compte plus le nombre de projets qui arrivent sur son périmètre.
« On a 124 communes, et chaque commune a un ou plusieurs projets d’agrivoltaïsme, donc c’est quelque chose d’énorme. Si on laisse faire les choses, on peut arriver à une dérive avec un impact fort sur les paysages. Et l’un des piliers du PNR, c’est justement de défendre la qualité des paysages« , expose Philippe Brugère, maire de Meymac et président Parc naturel régional de Millevaches.
Afin d’éviter les dérives, le comité syndical du PNR, qui regroupe des représentants de la région Nouvelle-Aquitaine, des départements, des intercommunalités et des communes, a adopté le 18 février dernier, une délibération définissant les « critères d’acceptabilité d’un projet agrivoltaïque sur le territoire« .
Parmi ces critères, celui qui cristallise les oppositions, c’est la limitation de ces équipements photovoltaïques à une surface maximale de cinq hectares.
Le président de la chambre d’agriculture de la Corrèze estime que sur cinq hectares, l’agrivoltaïsme n’est pas rentable. « Il y a des coûts de raccordement à supporter, suivant où l’on se trouve. Et par rapport à ces coûts de raccordement, je ne suis pas sûr qu’on trouve grand monde qui veuille investir sur des petits projets », explique Daniel Couderc.
À Ussel, le président de la communauté de communes de Haute-Corrèze, estime, lui aussi, que ces projets doivent pouvoir dépasser les cinq hectares. « Nous avons la nécessité de conforter des installations pour maintenir cette économie agricole de ruminants. L’agrivoltaïsme, dont la compétence est d’abord l’agriculture et l’élevage, et ensuite les énergies renouvelables, peut-être une complémentarité économique permettant d’installer des jeunes et de pérenniser cette agriculture sur nos territoires« , affirme Pierre Chevalier, alors que plusieurs projets ont été déposés sur son secteur.
Ce qui semble importer aux élus qui ont voté la délibération du parc, ce n’est pas tant le revenu supplémentaire des agriculteurs, que l’intérêt général pour la population de pouvoir bénéficier d’une énergie locale et non-fossile : « Nous, ce qu’on voudrait, c’est que toutes les toitures des bâtiments agricoles soient équipées de panneaux photovoltaïques. Rien que ça, ça donnerait une production très conséquente« , rétorque le président du PNR de Millevaches.
Le non-respect des critères établis par le PNR n’empêchera pas forcément les projets agrivoltaïques de voir le jour. Décisionnaire, le préfet n’est pas tenu de les prendre en considération. « Les projets d’installation agrivoltaïque seront soumis à l’avis conforme de la commission départementale de préservation des espaces agricoles, naturels et forestiers (CDPENAF)« , prévoit la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables.
A Ussel, ces panneaux photovoltaïques sont installés au sol sur une parcelle non cultivée. Désormais ce sont les chambres d’agriculture qui définissent les zones où ce type d’installation est possible.
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© France 3 Limousin
Cette loi, qui limite les installations agrivoltaïques aux parcelles cultivées ou destinées à l’élevage, confie aux chambres d’agriculture le soin d’identifier les zones non cultivées qui pourraient faire l’objet d’implantation de panneaux photovoltaïques au sol, et précise qu' »aucun ouvrage photovoltaïque ne pourra être implanté en dehors des surfaces identifiées« .
À Meymac, la municipalité souhaitait installer de tels panneaux sur un terrain communal en friche de trente hectares, afin de contribuer à l’indépendance énergétique de la commune. Ce projet ne pourra aboutir, car la zone n’a pas été répertoriée par la Chambre d’agriculture.
Philippe Brugère déplore que l’État ait délégué à ces chambres le pouvoir d’autoriser, ou non, de tels projets portés par des collectivités.
Récit avec Cécile Descubes
- Une installation photovoltaïque est dite « agrivoltaïque » lorsqu’elle est située sur la même parcelle qu’une production agricole, en lui apportant directement l’un des services suivants : adaptation au changement climatique, accès à une protection contre les aléas météorologiques, amélioration du bien-être animal, agronomie pour les besoins des cultures. L’installation agrivoltaïque ne doit ni dégrader la production agricole, ni diminuer les revenus issus de celle-ci.