
C’est un témoignage qui a fait énormément de bruit. Celui d’Anne, une Française de 53 ans, qui a raconté à l’émission « Sept à Huit » de TF1 dimanche 12 janvier avoir succombé aux charmes d’un faux Brad Pitt qui l’avait contactée sur les réseaux sociaux. Le vrai escroc, un « brouteur », a profité de ses sentiments pour lui demander de l’argent et a réussi à lui soutirer 830 000 euros.
Loin d’être la seule, Anne fait partie des nombreuses victimes de ces arnaques aux sentiments. En France, les forces de l’ordre ne recensent pas spécifiquement ces infractions et toutes les victimes ne se manifestent pas, il n’est donc pas possible d’avoir le nombre réel de victimes. En revanche, en janvier 2024, le chef de la plateforme Thesee qui permet de déposer plainte en ligne, le capitaine Sylvain James, expliquait à France 3 qu’il avait reçu « plus de 5 000 plaintes » pour des arnaques amoureuses entre 2022 et 2023.
La plateforme gouvernementale Cybermalveillance, qui vient en aide aux victimes d’escroquerie en ligne, affirme également dans son dernier rapport que les demandes d’assistance pour faire face à une escroquerie sentimentale ont augmenté de 91% entre 2022 et 2023. Néanmoins, la plateforme précise aussi que cette menace « reste relativement faible en proportion (moins de 1%), bien qu’en très forte progression et avec des montants de préjudice financier souvent considérables pour les particuliers qui en sont victimes ».
Cela s’inscrit dans une hausse assez globale des escroqueries, qui sont passées de 250 900 victimes en 2016 à 411 700 en 2023, avec une forte augmentation notamment des abus de confiance et des abus de faiblesse. Les escroqueries en ligne visant uniquement à voler de l’argent, dites « atteintes numériques aux biens », ont fait plus de 160 000 victimes en France en 2023, soit une hausse de 8% par an, selon les chiffres du ministère de l’Intérieur.
Aux États-Unis, la Commission fédérale du commerce donne des chiffres plus précis sur ce que les Américains appellent la romance scam, l’arnaque romantique. Les « arnacœurs » ont fait jusqu’à 80 000 victimes américaines en 2021, pour un préjudice cumulé dépassant le milliard de dollars.
Applis de rencontre, réseaux sociaux et « boomer traps »
Les « brouteurs », du nom donné spécifiquement aux escrocs numériques, peuvent contacter leurs victimes sur les sites de rencontre. Selon le spécialiste de la sécurité numérique Norton, plus d’un tiers des utilisateurs d’application de rencontre ont déjà été ciblés par une arnaque à l’amour. Certains ont même reçu des messages suspects au moins une fois par semaine.
Mais ils passent aussi fréquemment par les réseaux sociaux. Ils peuvent envoyer des messages directement, en abordant des inconnus, ou alors ils peuvent utiliser des procédés plus pernicieux, via notamment des « boomer traps », des pièges destinés aux personnes de 50 ans et plus, peut-être moins agiles avec les nouveaux usages du numérique.
**Par exemple, des internautes qui ne comprennent pas que des images d’enfants, d’animaux ou même de bons petits plats cuisinés et qui commentent ces photos au premier degré vont être des cibles privilégiées pour les brouteurs, car elles seront jugées plus crédules que les autres internautes. Ainsi, comme l’a révélé une enquête de franceinfo, une multitude de fausses pages de recettes de cuisine conçues par intelligence artificielle ont vu le jour sur Facebook et servent d’appât aux brouteurs pour trouver des victimes potentielles d’escroquerie numérique.
Ces escrocs peaufinent leurs profils sur les réseaux sociaux, volent l’image d’une belle personne et n’hésite pas à utiliser l’intelligence artificielle pour pouvoir créer des images ou une fausse voix et ainsi répondre à des appels audio ou même vidéo. Ils savent draguer et jouer des sentiments pour amadouer les personnes qui ont besoin d’amour et réussissent à les convaincre de leur envoyer de l’argent.
La pratique se répand tellement que Meta, la maison mère de Facebook et d’Instagram, vient de lancer une alerte sur l’usage de l’intelligence artificielle pour les arnaques romantiques.
Des conseils pour ne pas se faire avoir
Plusieurs réflexes peuvent néanmoins aider les internautes à ne pas tomber dans ces pièges. D’abord, il faut se méfier. Essayer de rencontrer la personne à qui l’on parle dans la vraie vie, et ce, surtout avant de lui envoyer de l’argent. Essayer de la questionner aussi pour voir si elle se contredit sur la longueur.
Il est aussi possible de faire une recherche d’image inversée sur un moteur de recherche pour voir si la photo de profil utilisée appartient à quelqu’un d’autre. De demander des documents aussi pour prouver son identité et de les éplucher dans le moindre détail pour voir s’il est bien cohérent. Il faut aussi se méfier des numéros de téléphone qui commencent par 06 44, 07 56 et 07 80 car il s’agit de numéros dits « on/off », qui permettent d’avoir un numéro français sans être sur le territoire – une bonne part des arnaqueurs identifiés se situant en Afrique notamment.
Enfin, il est toujours pertinent de demander de l’aide à un proche. Un avis extérieur peut toujours aider à y voir plus clair, quand l’amour nous aveugle.