Bernard Arnault chez LVMH jusqu’à ses 85 ans… Faut-il limiter l’âge des PDG ?


Pas de retraite pour Bernard Arnault. A 76 ans, le PDG de LVMH repart pour un tour, les actionnaires ayant voté jeudi à la quasi-unanimité une résolution lui permettant de rester à la tête du groupe de luxe jusqu’à ses 85 ans. L’aîné du CAC40 illustre ainsi la prime à la vieillesse dans les conseils d’administration. Selon une étude d’OFG, cabinet spécialisé dans l’analyse et l’évaluation de la gouvernance des sociétés cotées, 40 % des patrons du SBF 120, indice boursier regroupant 120 grandes entreprises françaises, avaient plus de 70 ans début 2024. Trop vieux, les boss ?

Savoir quand se retirer « est une question que les patrons n’ont pas trop envie de se poser », sourit Virginie Gozin, fondatrice du cabinet de conseil Winzelia. Pourtant, la transmission est un enjeu majeur au sein des entreprises. Mais « il y a une question d’ego ; beaucoup de chefs d’entreprise n’arrivent pas à accepter leur finitude ». Ce refus de passer la main peut même créer des problèmes au sein de l’entreprise. Olivia Flahault, cofondatrice du cabinet OFG, prend l’exemple de BNP Paribas, où « beaucoup de cadres sont partis à force de voir qu’ils n’avaient pas de perspectives », quand les dirigeants ont été prolongés.

Décalage avec la société

Mais pour elle, « il faut se poser la question de la longévité plutôt que de l’âge ». Car même avant 50 ans, il faut « être en capacité d’étonnement, de remise en question », des sensibilités qui se gomment avec le temps. Si des cas particuliers comme Bernard Arnault ou Xavier Huillard, à la tête de Vinci depuis 2006, existent, les rapports du cabinet OFG indiquent « qu’au bout de dix ou douze ans, un mandat devrait s’arrêter ». La remarque ne vaut d’ailleurs pas que pour les PDG du CAC40. Car les milieux politique et médiatique, avec des chroniqueurs et présentateurs en tête d’affiche depuis des décennies, souffrent parfois du même mal : le non-renouvellement des têtes, et donc des idées.

C’est le reflet d’une « société qui n’est pas ouverte sur toute sa diversité », regrette Virginie Gozin. « Collectivement, les jeunes ne s’y retrouvent plus, ils craignent de ne pas être écoutés. D’ailleurs, dans les grandes écoles, ils veulent de moins en moins rejoindre des entreprises du CAC40. » Inès Dauvergne, experte en inclusion et diversité et cofondatrice du cabinet Me & YouToo, abonde mais avec une nuance : « Le vrai sujet, ce sont les mécanismes de reproduction sociale très forts qui font qu’il y a très peu de diversité sociale, ethnique, de genre, de parcours sur les postes de dirigeants ». Accentuant ainsi la fracture entre la photographie des PDG et celle de la société.

« Une direction bicéphale le plus tôt possible »

Mais être un « vieux » patron n’est pas forcément synonyme de vieilles idées, à condition de savoir s’entourer. Pour Virginie Gozin, cultiver le « oser dire » des collaborateurs, lorsque le PDG n’est plus aligné avec les attentes du marché, est un enjeu important. « L’entourage est important, car on peut se conforter dans des biais de confirmation si on s’entoure de personnes qui nous ressemblent. L’âge en fait partie. » Elle soumet plusieurs leviers possibles pour garder une direction alerte. « On peut s’entourer d’un comité stratégique externe, ou même composé de collaborateurs, avec un rôle et des membres différents de ceux du conseil d’administration. » L’experte en conseil aux dirigeants plaide aussi pour « mettre en place une direction bicéphale le plus tôt possible », à condition que les deux profils soient complémentaires.

De son côté, Olivia Flahault nuance le poids de l’âge du PDG. « Dans les équipes dirigeantes du SBF 120, la moitié des membres sous le patron vient de l’extérieur de l’entreprise. » Ce qui assure déjà une certaine fraîcheur, même si tous les groupes ne sont pas logés à la même enseigne. Enfin, pas question de faire de l’âgisme. « Un CAC40 avec seulement des dirigeants de 30 ans ne marcherait pas non plus, car il manquerait des compétences, de l’expérience », pointe Virginie Gozin. Pas vrai, patron ?



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