Face à la guerre commerciale lancée par Donald Trump, la Banque centrale européenne a opté pour un nouvel assouplissement monétaire. L’institution a abaissé ses taux ce jeudi, pour la sixième fois d’affilée. Pourtant, il y a à peine un mois, les opinions étaient contrastées quant à un tel scénario. C’était sans compter le jour de la libération du président (« Liberation day ») le 2 avril, date à laquelle il a imposé des droits de douane réciproques de 10 % au monde entier. D’autres, de 20 % pour l’UE, devaient entrer en vigueur une semaine plus tard, mais Donald Trump a finalement décidé de les suspendre, pour 90 jours.
De fait, le nouvel ordre mondial protectionniste crée de l’incertitude et les perspectives de croissance « se sont détériorées » note la BCE. D’autres baisses de taux pourraient d’ailleurs intervenir si le ralentissement du commerce mondial se poursuit. L’institution reste toutefois discrète pour l’instant quant à sa politique monétaire à venir, indiquant simplement suivre les « données » afin de « déterminer, réunion par réunion » ses futures décisions. D’autant que, l’impact des taxes de Donald Trump sur l’inflation en Europe n’est pas encore très clair et « les opinions divergent ».
Il demeure néanmoins que, si l’inflation est passée, pour le moment, au second plan, l’inquiétude se cristallise désormais sur la stabilité financière alors que les marchés ont été fortement chamboulés ces dernières semaines. « La détérioration du sentiment des marchés financiers pourrait entraîner un durcissement des conditions de financement, accroître l’aversion au risque et dissuader les entreprises et les ménages d’investir et de consommer », a alerté Christine Lagarde, la présidente de la BCE, dans son discours.
Un plus faible volume d’échanges
L’institution monétaire européenne n’est pas la seule à tirer la sonnette d’alarme. La veille, la directrice générale de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), Ngozi Okonjo-Iweala, n’a pas caché son inquiétude : « Je suis très préoccupée », a-t-elle confié. Selon l’OMC, le commerce mondial de marchandises pourrait reculer d’1,5 % en volume cette année. Mais surtout, l’organisme s’attend à un écroulement du volume commercial entre les États-Unis et la Chine de 81 %.
Les États-Unis et la Chine sont rentrés dans une logique d’escalade interminable. Après que Washington a taxé les importations chinoises de 145 % le 10 avril, Pékin a répliqué avec des droits de douane de 125 %. La Chine a également interdit à ses compagnies aériennes de récupérer des livraisons d’avions du constructeur américain Boeing. Elle a aussi restreint l’exportation de certaines terres rares essentielles pour l’aéronautique, les armes ou encore les voitures électriques. Œil pour œil, dent pour dent. Donald Trump a toutefois dû faire un pas en arrière concernant les appareils électriques fabriqués en Chine, au risque de voir Apple mis en difficulté, l’entreprise américaine faisant produire ses iPhone dans le pays.
Une croissance mondiale en berne
En outre, l’OMC prévoit une croissance mondiale de 2,2 % du Produit intérieur brut (PIB) en 2025 et de 2,4 % l’année prochaine. Si la Banque mondiale n’a pas encore donné de chiffre, son président, Ajay Banga, anticipe également un ralentissement de la croissance. « L’incertitude et la volatilité vont indubitablement contribuer à un environnement économique et un climat des affaires plus prudent », a-t-il déclaré mercredi. Avant d’ajouter : « Quand vous avez cela, vous aller vers une réduction de la croissance au niveau mondial ».
De son côté, le FMI tente de rassurer : « Nos projections de croissance sont à la baisse, mais ne montrent pas de récession », a assuré ce jeudi Kristalina Georgieva, la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI).
Des économies plus vulnérables à la guerre commerciale
Mais si la croissance mondiale va ralentir et les volumes d’échange diminuer, toutes les institutions s’accordent à dire que ce sont les plus petites économies qui vont en payer le prix fort. « Pendant que les grands s’affrontent, les plus petits pays sont pris entre deux feux. La Chine, l’Union européenne et les États-Unis sont les plus gros importateurs. La conséquence ? La taille importe et ils sont capables de provoquer d’énormes retombées sur le reste du monde », a alerté la cheffe du FMI.
«L’incertitude persistante menace de freiner la croissance mondiale, avec de sévères conséquences négatives pour le monde, en particulier pour les économies les plus vulnérables», a également averti la directrice générale de l’OMC.
Même inquiétude du côté de la Banque mondiale. Car quand l’économie mondiale fonctionne au ralenti, la baisse de la demande des matières premières « viendra peser sur les finances » des pays les plus vulnérables, prévient le président de l’institution, Ajay Banga.