Avec l’élection de Mark Carney au Canada, Trump a trouvé à qui parler

Il a promis de « ne jamais oublier la trahison » américaine. Ce lundi, le Parti libéral de Mark Carney a remporté les législatives canadiennes, selon les projections des médias locaux. Une forme de continuité pour le pays nord-américain, même si, selon des résultats encore préliminaires, les Libéraux pourraient être contraints de gouverner avec l’appui d’un autre parti faute de majorité au Parlement. Mais ce vote est surtout une mauvaise nouvelle pour Donald Trump.

L’homme de 60 ans, qui a pris la suite de Justin Trudeau à la tête du parti centriste et du gouvernement après la démission de l’ancien Premier ministre, est un véritable caillou dans la chaussure du président américain qui souhaitait faire du Canada, son 51e Etat. Un profil atypique déterminé à s’opposer à son belliqueux voisin.

Un économiste « ennuyeux », mais « rassurant » face à Trump

Gouverneur de la Banque centrale canadienne lors de la crise de 2008, Mark Carney est aussi le premier non-britannique à avoir dirigé la Banque d’Angleterre de 2013 à 2020. Des compétences en économie acquises dans les prestigieuses universités d’Harvard (Etats-Unis) et d’Oxford (Royaume-Uni) avant d’en faire profiter la banque Goldman Sachs pendant treize ans.

Un économiste solide donc, mais un novice en politique. Qu’importe, il est vu par les Canadiens comme un dirigeant capable de tenir tête à Donald Trump dans la guerre commerciale et diplomatique lancée par ce dernier. En mars dernier, Daniel Béland, professeur en science politique à l’Université McGill de Montréal, le décrivait comme « un technocrate », « ennuyeux et sans énormément de charisme », mais qui « pèse chacun de ses mots ». Un « spécialiste des politiques publiques qui maîtrise très bien ses dossiers », avec une « image rassurante à l’opposé de celle de Trump ».

Et cette opposition, Mark Carney, père de quatre enfants et mari d’une économiste, l’a incarnée pendant toute sa campagne, axée sur l’offensive de la Maison-Blanche, jusqu’à sa victoire. « Le président Trump essaye de nous briser pour que les États-Unis puissent nous posséder. Cela n’arrivera jamais », a-t-il lancé ce lundi.

Des positions et une opposition fortes

« Notre ancienne relation avec les Etats-Unis est terminée », a-t-il ajouté comme pour ouvrir une nouvelle page. Il faut dire que le nouveau Premier ministre canadien n’est pas du genre à montrer une quelconque peur fasse à un adversaire qu’il connaît bien. Président du Conseil de stabilité financière, qui coordonnait le travail des autorités de régulation du monde entier, il était un habitué des réunions du G20 pendant le premier mandat du président américain.

Bien qu’il ait gardé pour lui ses pensées sur le président américain à l’époque, il s’est montré beaucoup plus franc ces derniers jours, notamment au sujet des tarifs douaniers que veut imposer Trump, jusqu’à le comparer au méchant de la saga Harry Potter : « Quand on pense à ce qui est en jeu dans ces commentaires ridicules et insultants du président, à ce que nous pourrions être, on peut comparer ce comportement à celui de Voldemort. »

En réponse, il a assuré qu’il continuerait d’imposer des contre-tarifs « jusqu’à ce que les Américains nous montrent du respect… et [prennent] des engagements crédibles et fiables en faveur d’un commerce libre et équitable ». Des engagements qu’il entend également poursuivre sur le changement climatique.

« Nous allons nous battre »

En économiste, il a souvent alerté, dans sa carrière, sur la minimisation de l’impact du réchauffement climatique sur l’économie. En 2019, il était devenu envoyé spécial des Nations Unies pour le changement climatique et, en 2021, il a lancé la Glasgow Financial Alliance for Net Zero, un regroupement de banques et d’institutions financières œuvrant pour la lutte contre le changement climatique. Pas vraiment la tasse de thé de Donald Trump donc, qu’il accuse de vouloir « [nos] ressources, [notre eau] » : « Les Américains veulent notre pays. »

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« Lorsque nous sommes menacés, nous allons nous battre. Nous allons nous battre avec tout ce que nous avons pour avoir le meilleur deal pour le Canada. Nous protégerons nos commerces et nos travailleurs, et nous construirons un futur indépendant pour notre grand pays », a-t-il promis en assurant vouloir développer le commerce au sein de son pays en levant les barrières douanières entre provinces et chercher de nouveaux débouchés, notamment en Europe. « Nous allons construire une seule économie canadienne, pas 13 (comme le nombre de provinces du pays) », a-t-il notamment promis.

Mark Carney fédère derrière lui

Un cri de ralliement entendu même par son principal opposant. Dans un discours reconnaissant sa défaite, Pierre Poilievre, a promis de travailler avec Mark Carney et de placer l’intérêt du pays avant les luttes partisanes face aux « menaces irresponsables » du président américain.

Tweet de Joe Biden.  - Capture d’écran X

Même Joe Biden, l’ancien président américain et punching-ball préféré de Donald Trump, y est allé de son message sur le réseau X : « Je suis convaincu que Mark sera un leader fort, défendant les valeurs et les intérêts fondamentaux que partagent les Canadiens et les Américains. »

Les prochaines négociations en vue d’un accord commercial entre les deux pays doivent commencer début mai. Et Mark Carney semble prêt à se lancer dans la bataille : « Cette guerre, nous ne l’avons pas créée, mais nous allons la gagner », a-t-il affirmé. Donald Trump est prévenu.



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