À l’aéroport de Roissy, un projet de développement très flou

C’est un prospectus publicitaire comme un autre, un flyer blanc et bleu qui aurait pu finir à la poubelle. Lorsqu’elle l’a reçu dans sa boîte aux lettres, Catherine Garnier, une habitante d’Argenteuil, au nord-ouest de Paris, a d’ailleurs failli le jeter. Puis, son regard s’est arrêté sur la phrase « donnez votre avis sur l’avenir de Paris-Charles de Gaulle » (CDG). Intriguée, elle a parcouru le dépliant.


À l’intérieur, un plan de l’aéroport est entouré d’expressions assez floues, comme « aménagements phasés et modulaires », « optimisation des activités de fret », ou encore « hub d’énergie bas carbone ». Les habitantes et habitants sont invités jusqu’au 8 juillet à donner leur avis sur l’avenir de l’aéroport en ligne sur le site internet dédié, via des registres mis à disposition en mairies ou le coupon-réponse détachable du dépliant.

« C’est un vocabulaire technique que je ne maîtrise pas. Je n’ai pas compris en quoi tout cela pourrait impacter les riverains, constate Catherine Garnier, qui habite à une trentaine de kilomètres de l’aéroport. Si c’est juste un réaménagement de l’existant, cela ne va pas changer grand-chose. Mais si c’est une extension avec plus de vols… »

« Le but reste d’accueillir plus de passagers et plus d’avions »

Quatre ans après l’abandon du projet du Terminal 4, qui aurait dû permettre d’accueillir 40 millions de passagers supplémentaires par an à l’horizon 2037, les patrons de CDG survolent une ligne de crête.

D’un côté, ils ne veulent pas effrayer les riverains en parlant de croissance du trafic. « Notre modèle ne peut plus être celui du Terminal 4 » promet dans le prospectus Régis Lacote, le directeur de l’aéroport. De l’autre, il faut bien expliquer pourquoi l’aéroport va dépenser 3,5 à 4,5 milliards d’euros dans de futures infrastructures, comme des nouvelles salles d’embarquement, d’une capacité de 4 à 8 millions de passagers, ainsi qu’une nouvelle gare de fret.

Près de 30 % de hausse du trafic d’ici 2050

« Au lieu de construire un énorme bâtiment, ils vont faire des aménagements modulaires successifs pour s’adapter à la demande. Mais le but reste d’accueillir plus de passagers et plus d’avions », assure Françoise Brochot, la présidente de l’Association de défense du Val-d’Oise contre les nuisances aériennes (Advocnar). Cette consultation n’est pas obligatoire, elle se fait sur la base de la bonne volonté de l’aéroport. « Ce qu’ils attendent, c’est une sorte de blanc-seing de la part de la population sur ces projets », poursuit Françoise Brochot.

« Depuis la crise du Covid-19, la croissance du trafic a repris, mais elle est plus modérée et le restera à l’avenir » poursuit Régis Lacote sur le dépliant. L’aéroport compte pourtant accueillir 105 millions de passagers en 2050, contre 82 millions en 2025, soit une hausse de 28 % en vingt-cinq ans. « C’est nettement moins que les prévisions pré-Covid, qui tablaient sur 168 millions de passagers dans vingt-cinq ans », tempère un article de L’Écho touristique, un média dédié aux professionnels du tourisme.

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L’aéroport Roissy-Charles de Gaulle prévoit de bâtir de nouvelles salles d’embarquement, d’une capacité de 4 à 8 millions de passagers.
Flickr / CC BYSA 2.0 / Eric Salard

La plateforme compte bien profiter de la croissance du trafic mondial. Selon les prévisions de l’Association internationale du transport aérien, le nombre de passagers dans le monde va doubler entre 2023 et 2043.

« Neutralité carbone »

« Nous devons nous adapter pour accueillir ces passagers tout en poursuivant notre objectif central : la neutralité carbone en 2050 », poursuit Régis Lacote. Comment atteindre un tel but avec de telles prévisions de croissance ? L’aéroport n’a pas souhaité nous répondre directement, préférant nous renvoyer vers le site internet de la concertation publique.

Un dossier de 208 pages détaille notamment les impacts environnementaux potentiels de ce projet en termes sonores, de qualité de l’air ainsi que sur la biodiversité. Il est clairement indiqué que « l’ensemble des polluants diminuerait sensiblement par rapport à 2035 et à l’état initial de 2019 ».

Pour ce faire, l’aéroport table notamment sur des « gains technologiques, associés à l’intégration croissante des avions à hydrogène et des pratiques décarbonées ». Pourtant, l’avion à hydrogène reste un rêve lointain. La mise en service du premier appareil d’Airbus, initialement prévue pour 2035, a été reportée sine die.

L’aéroport botte en touche

Sur un autre site internet, l’aéroport liste une série d’actions pour diminuer ses émissions : faire marcher tous les véhicules d’escale à l’électricité, améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments, développer les énergies renouvelables et des solutions de captage, stockage et valorisation du CO2

L’accumulation de ces petits gestes sera-t-elle suffisante ? En septembre 2022, l’Ademe a publié une étude sur les scénarios de transition écologique du secteur aérien. Sa conclusion est sans appel : « La réduction et/ou la modération de la demande est le seul levier pouvant permettre des réductions rapides des émissions de gaz à effet de serre à court terme. »

Alors, qu’attendre de cette consultation publique ? À quoi serviront les coupons-réponse attachés aux prospectus ? Combien de flyers ont été envoyés ? Sur quel territoire ? « Ce n’est pas vraiment une question », nous a sèchement rétorqué le service communication de l’aéroport, nous invitant plutôt à participer aux prochaines réunions publiques, qui lèveront peut-être enfin le voile sur les ambitions du plus grand aéroport de France.

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