
« On est inquiet de la tournure des événements » nous confie Eva Morel, secrétaire générale de QuotaClimat. Selon le Baromètre de la confiance des Français dans les médias de Vérian, daté de janvier 2025, 69 % des Français accordent leur confiance dans les journaux télévisés pour les informer, et ces derniers sont particulièrement exposés.
Les trois ONG ont donc décidé de créer un outil pour analyser l’état de la désinformation dans les médias audiovisuels, utilisant les données de l’Observatoire des Médias sur l’Ecologie. Les premiers résultats viennent d’être publiés.
Polarisation politique
Les radios et chaînes les plus poreuses aux fausses informations sont « polarisées sur un bout du spectre politique » précise Eva Morel. Sud Radio et Cnews arrivent en tête du classement avec respectivement 40 et 26 segments erronés en 3 mois.
Tableau dénombrant les segments identifiés comme contenant de la désinformation pour chaque chaîne (tableau issu du rapport)
Sud Radio réunit 31% des cas, les médias privés 77%. Le rapport pointe la connivence entre les « origines socio-économiques des dirigeants » et une désinformation climatique comme « outil stratégique déployé par des acteurs identifiés (économie carbonée, économie de l’attention, ingérences étrangères, extrême-droite et groupes complotistes) pour favoriser leurs intérêts convergents – car alignés sur l’entrave de l’action environnementale ».
« Il y a des médias dont la ligne éditoriale est contradictoire avec les faits scientifiques » commente Eva Morel.
Lien avec les grands événements politiques
Le contexte politique et géopolitique, les ingérences étrangères et la montée des partis d’extrême droite avec leur tendance à la déréglementation climatique, sont des facteurs multipliant les cas de désinformation selon le rapport. On retrouve d’ailleurs une prévalence des fausses informations lors des évènements politiques de grandes ampleurs.
L’intronisation de Donald Trump à la Maison Blanche a été marquée par un pic de +150% des cas. « Parmi les 17 extraits contenant de la désinformation la semaine du 20 janvier, 7 mentionnent explicitement Donald Trump pour s’appuyer sur ses propos (soit 41 %) ».
Une autre période de désinformation a été notée lors des semaines du 10 et 17 mars, marquées par le lancement de la consultation publique finale sur la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE) et la sortie du Plan National d’Adaptation au Changement Climatique (PNACC).
« Cela indique la vulnérabilité du débat public à des tentatives de manipulations, notamment lors d’évènements démocratiques déterminants » développent les ONG.
Attaques des énergies renouvelables et du consensus scientifique
66% des narratifs anti-écologiques identifiés discréditent les solutions à la crise climatique. Deux secteurs sont particulièrement touchés, l’énergie, notamment les énergies renouvelables, et la mobilité, avec les véhicules électriques. Certains médias multiplient les attaques envers le consensus scientifique.
Distribution des cas de narratifs liés au discrédit porté sur le consensus scientifique sur le changement climatique (tableau issu du rapport).
Symbole de la lutte contre le changement climatique et ennemi des climato-sceptiques par leur capacité à mobiliser, les messagers de la transition sont régulièrement discrédités.
Distribution des cas de narratifs liés au discrédit porté sur le consensus scientifique sur le changement climatique (tableau issu du rapport).
Un climato-scepticisme envers la science du climat qui est devenu une ligne de fracture politique dans de nombreux pays selon le Rapport Environnement des Nations Unies.
Un manque de formation des journalistes
Les médias polarisés ne totalisent pas la totalité de la désinformation. Les chaînes et radios publics ou plus impartiaux sont touchés. Une dynamique « inquiétante » qui s’explique principalement par « un manque de formation » selon Eva Morel.
Le rapport estime qu’il est urgent de renforcer « le rôle des journalistes dans la conduite des interviews politiques » et « dans la re-contextualisation des paroles rapportées par d’autres politiques qui, sans contradiction, risquent d’être prises pour argent comptant. »
Le rapport est un condensé des premiers résultats du nouvel outil développé par Data For Good, Quota Climat et science feedback. Le lien intrinsèque entre montée des extrêmes droite et désinformation climatique sera à observer.